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Maison/Atelier

Journal d’un lieu, un art du regard.

L’ethnologie de mon lieu n’est pas un luxe et pour nommer l’espace actuel où je vis, Il m’a fallu quitter l’atelier toulousain à l’architecture dix-neuvième chargée d’histoire. En 2009 je décidais de m’en éloigner, poussée par le désir de rompre avec l’allégeance.

La Maison/Atelier que j’occupe répond à la perception artistique du monde et relève d'une nécessité, où se côtoient l’habiter/créer. 

La maison accueille la fluidité des espaces de vie et d’être. Le seuil symbolise un passage entre-ouvert unifiant l’extérieur inconnu à l’intimité du quotidien. Le centre de ma pratique ouvre l’imaginaire d’une écriture source. L’espace toujours en chantier libère l’atelier emblématique de son histoire, de sa nostalgie, pour interroger une quête du beau et du sacré.

Les pans de mur

Le fil de ma recherche est un acte de présence qui interroge l’être créateur.

Assise sur le canapé je contemple les murs et laisse libre cours à l’émergence de la Lumière, au surgissement du pinceau. C’B Confins, mars 2020.

La recherche artistique fait acte de présence. Je voyage vers des ailleurs qui outrepassent mon histoire et ne cessent de repousser l’horizon comme une traversée physique de l’espace. La vision de la nature, du loin, de cet au-delà de la ligne, du sans fin, conduit mes émotions à suspendre des histoires aux murs, sans pour autant les afficher, seulement les déposer pour les rendre à leur autonomie, à leur beauté. Le pan de mur vibre d’une luminosité qui reflète l’intimité d’un dialogue entre silence et contemplation. Perdu, le regard interroge une poésie silencieuse, qui réinvente les Objets du lointain.

Hypnotisée par l’ardent désir du hors champ j’imagine la ligne d’horizon languissante d’une union entre Ciel et Terre, linéarité fluctuante, unique force qui anime le paysage. C’B Ile de Brax, Croatie 2017.

Pan Nord/1

Une armoire de la Chine du Nord témoigne de l’histoire des écritures. Le cabinet emblématique, aux anciennes portes de laque rouge, invite poétiquement le visiteur. Il sacralise les anciens maitres calligraphes dont la pratique poétique a ravi ma sensibilité.

J’ai un attrait particulier pour l’Orient, sa pensée et philosophie, une belle affinité pour l’écriture qui tisse poésie et pinceau, inspire la trame de mon écriture.

Je suis peintre de l’encre et entretiens le geste d’une calligraphie spontanée en mémoire des maitres de l’Orient, dont Shitao le moine Citrouille-Amere, illustre le parfait accord des quatre trésors du lettré.

J’exprime la verticalité, l’affleurement du signe, l’interligne où le temps poétique se perd parfois dans l’à côté des mots. Grands et petits formats jouent de l’effleurement de l’encre sur le support et expérimentent la fragilité incertaine née de l’ombre et de la lumière.

Pan Sud/2

Tracer le rien

Tout lieu habité du voyage est une synergie de l’infiniment grand à l’infiniment petit, d’une vision concentrée entre proche et lointain.

Différents séjours au Bénin m’ont amenée à poursuivre une création sans outil.

La voute étoilée africaine, inspiratrice cosmique privilégiée, me reliait à la parole des anciens, au village, au chant d’un culte voué à la Nature. Confiant mon geste à l’intelligence du regard intérieur, je me suis abandonnée au précieux dénuement, à l’émergence de ma Terre.

J’ai collecté une nature vierge et puisé l’invisible au fond du regard, rendant hommage à l’infime. Il m’arrive, actant ma ressource, de m’abandonner à des rites qui m’échappent, concevant des objets en fibre végétale inspirés d’éléments codifiés. Ils renferment la sève et l’élan vertical de vie. Ce rituel rend hommage à la forme primordiale et la coulée de l’encre signe l’unicité sacrée.

 

Le pinceau végétal participe à la fragilité de la vie. C’B / Notes, Cotonou 2011.

Les yeux d’une mémoire fixent le Dracanéa à l’angle de la verrière de l’atelier. Plusieurs feuilles cramoisies par un trop grand soleil perçoivent le chant annonciateur des pleureuses. La mort du végétal éveille ce fébrile passage entre sacré et nature première comme la marge altérée du lieu, où je m’abandonne sous le regard des fanes, herbes et brindilles.

C’B / Hommage au village de Titongon 2018.

Pan Est/3

Ici l’attention se porte sur l’éphémère où cohabitent griffures et signes.

La projection d’ombres portées sur le mur absorbe les promesses de l’encre qui se jouent du noir et du blanc. L’écoulement du temps s’anime d’une lumière analogue au souffle. Le rythme du regard pourfend l’inaperçu d’une fugace et hasardeuse rencontre entre l’œil et le beau. Les mots absents du langage éveillent les sens.

La contemplation mute vers d’autres espaces, d’autres imaginaires, vers l’infini silence !

L’invisible se dévoile

Les signes s'écrivent, effacent sujet et sens, explorent une immersion sans commencement ni fin. ils échappent à toute maitrise mentale car le regard qui surprend le geste répond au silence, lieu d’une connivence en suspension. C’B notes, 2017

Contemplation de l’ailleurs

Je garde du voyage l’émotion intacte de l’instant du petit jour, face à une Nature vierge, où le pinceau dépose sur une feuille la ligne d’horizon, un appel au rituel, au passage de chaque aurore, de l’intangible ligne. C’B / Crête, 2019.

Pan Ouest/4

Au surgissement du rite. Naturessence, la rumeur du lointain

J’ai vécu au Bénin dans une petite chambre à l’ombre du jour. Une persienne donnait une vision sublimée de la nature. Je ravive souvent l’émoi intacte de mon corps sidéré, tapi en bordure de ce contre-jour. Le seuil de mon aube scrutait un lointain intime et sauvage, d’où ruisselaient les bruissements de chants inconnus. La persistance de cet émoi frissonne d’une présence infinie. C’B carnet de notes Cotonou Benin, 2012/2019.

La structure à lamelles de la persienne est une trame qui anime ma réflexion à percevoir un élément insoupçonné, un quelque chose dont le regard, de près comme de loin, s’émerveille du sentiment précieux de l’invisible beauté.

La persienne s’articule comme un cadre ouvert au contre-jour. Elle tend vers l’essence d’une nature sacrée qui m’est renvoyée et dont la toute - puissance ensemence l’espace atelier.

J’habite simultanément une mise en scène entre butée du corps et feuille blanche.

Le regard cherche au loin, au-delà des lamelles horizontales et s’ajuste au tâtonnement, au risque de ne rien percevoir. Le quelque chose capturé se regarde, s’explore loin de faire œuvre, mais se définit comme un événement ritualisé qui m’expose.

Il émane de ce seuil perceptif entre – ouvert, un espace sacré qui m’observe.

L’objet du lointain est une promesse de l’invisible, interroge le regard démuni de sa lenteur à voir, inscrit un rituel où habiter proche et lointain, unit le lieu.

L’embarcation s’éloigne
au regard de l’océan profond

souffle est ferment
pose un coquillage sur tes lèvres

l’eau est chemin infini
pour qui regarde la goutte

 murmure le vieux bokonon.

C’B carnet, invocation à Tohossou, Ouidah 2012.

Centre/5
Contre-jour

L’espace habité du paysage

La luminosité inonde le ciel d’une virulente audace jusqu’au désir brulant de confier au pinceau les vibrations de la ligne. La danse légère des signes m’amène au silence intérieur. Elle inscrit sa matrice à l’intersection d’un ailleurs, un point entre Orient et Occident et s’adresse à la profondeur d’une présence intangible que j’éprouve. Je reviens sur la compréhension intuitive du paysage que je vois et qui résume la vitalité de cette ligne qui hésite, n’impose jamais la dualité mais s’accommode du jeu instable de la lumière. Elle éclaire le regard du dedans, libérant le mouvement subtil du ciel intérieur et de la terre intime, jusqu’à l’infime détail.

Le sujet face au paysage, est vécu en tant que lien essentiel d’un au-delà de l’image, d’une forme qui conduit toujours plus loin. Face au motif, le rectangle de la feuille laisse émerger le dialogue de la nature d’où surgit les épousailles de l’immensité cosmique, une vue du ciel qui révèle à ma sensibilité le souffle amoureux d’une nature sacrée.
C’B couvent de Krysopigi, Crète 2019.

Sans lieu 

Le ciel renoue
aux vents d'équinoxes
épouse les reflets
d'un cabochon ciselé de nacre

                                             Elle tumulte en nuances

                                         les intempéries
Expire la trouée

--------- De près ----- ligne sertie ---- d'une flaque ombrée

                      De loin ____________   miroir sans tain
_ vidé du sombre

Le vent couvre l'humide
Noir d'oubli
Turbulente vastitude 

Suite à « lieu déplacé » Voie qui emporte l'ailleurs, m'emporte là où je ne m'attends plus, rencontre la marge.

C’B 19/11/2016/ 19/11/2020